Entretiens

Connectivité numérique : Étude de cas à Lusaka

19 octobre 2022
Entretien avec Bupe Simuchimba et Dale Mudenda, Université de Zambie

Le Forum du commerce s'est entretenu avec les conférenciers Bupe Simuchimba et Dale Mudenda, de l'Université de Zambie, sur leurs conclusions et recommandations vis-à-vis de l'utilisation de l'internet par les petites entreprises de Lusaka, et sur l'étendue de leur connexion réelle.

Vous avez mené des recherches sur la connectivité internet des petites entreprises à Lusaka. Que cherchiez-vous à savoir ?

Nous voulions savoir combien de micro, petites et moyennes entreprises (MPME) de Lusaka étaient connectées à Internet – et l'usage qu'elles en faisaient à des fins commerciales.

Pourquoi ?

Le Centre du commerce international (ITC) et l'Autorité zambienne des technologies de l'information et de la communication (ZICTA) nous ont demandé de mener cette recherche pour identifier les opportunités et les obstacles auxquels ces petites entreprises sont confrontées lorsqu'elles utilisent Internet. Nos conclusions pourraient servir à orienter les futures interventions politiques visant à améliorer l'environnement commercial actuel par le biais de la connectivité. La collecte d'informations a impliqué des entretiens avec des dirigeants de MPME, ainsi que des responsables de pôles technologiques, des décideurs politiques et des fournisseurs d'accès à Internet.

Comment vous êtes-vous y pris ?

Nous avons effectué une analyse documentaire approfondie. Puis, nous avons soigneusement conçu des enquêtes pour les différents groupes concernés (avec l'aide de l'ITC et de la ZICTA). Nous avons ainsi interrogé des petites entreprises, des pôles technologiques et des responsables politiques. Enfin, une fois les résultats de l'enquête analysés, nous avons rédigé un rapport comprenant des recommandations.

Bupe Simuchimba et Dale Mudenda

Quelles ont été vos conclusions ?

La plupart des petites entreprises que nous avons interrogées utilisent une connectivité internet à partir de téléphones mobiles et d'appareils portables, comme des dongles ou des modems. Elles ont donc bel et bien accès à Internet. Il faut préciser que les abonnements à l'internet mobile représentent 99 % de tous les abonnements internet disponibles. Sans surprise, la pandémie a eu pour effet une augmentation considérable de l'utilisation de l'internet : 88 % des MPME de Lusaka ont déclaré un usage croissant de l'internet, à hauteur de 25 % à 50 %.

Cependant, le recours à Internet ne concerne qu'une gamme limitée de services, qui comprend la publicité, les études de marché et les transactions numériques. Nous avons constaté avec surprise que la plupart des entreprises n'ont pas de site internet et utilisent rarement les services internet pour faire évoluer leur gamme de produits ou innover.

En outre, nous avons relevé que la plupart des entreprises manquaient d'efficacité dans leur usage d'Internet à des fins commerciales, en raison de divers facteurs de risque et des contraintes qui incluent la sécurité informatique, le manque de compétences en technologies de l'information et de la communication (TIC) et les coûts élevés de l'utilisation de l'internet.

La plupart des institutions qui offrent une formation aux compétences numériques, comme les pôles technologiques, sont implantées dans les zones urbaines. Les zones rurales doivent par ailleurs composer avec des difficultés d'accès aux services publics d'appui tels que l'électricité.

À Lusaka, la connexion internet est interrompue au moins une fois par semaine en raison de l'instabilité de l'approvisionnement électrique ; dans les zones rurales, ces interruptions sont bien plus fréquentes.

Enfin, la plupart des entrepreneurs ne sont pas familiers avec les cadres juridiques et réglementaires relatifs aux secteurs de l'informatique, des TIC et de l'Internet des objets.

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Comment expliquer le coût élevé de l'usage d'Internet ?

La Zambie est un pays sans littoral, avec un accès limité aux infrastructures internationales de communication. Le pays dépend donc des liaisons par satellite ou des accords d'interconnexion avec les pays voisins. Cela explique pourquoi les trois quarts des MPME interrogées considèrent l'accès à Internet et aux équipements informatiques comme onéreux et donc comme une contrainte.

Plus précisément, le coût de l'accès à Internet en Zambie est principalement affecté par quatre éléments :

  1. La force du kwacha zambien (la monnaie locale) ;
  2. Le coût élevé des frais de terminaison de la fibre dans les tours ; 
  3. Le coût élevé des frais de transit et de transport de la connectivité dans le pays ; et
  4. Les droits de douane sur les câbles.

Un autre facteur lié aux coûts élevés est le nombre limité de fournisseurs de services internet sur le marché.

Quelles sont vos recommandations ?

Les conclusions suggèrent de développer une stratégie, ce que le Gouvernement de la Zambie pourrait envisager, pour favoriser les technologies de l'information et de la communication et la connectivité parmi les micro, petites et moyennes entreprises. Cela permettrait d'améliorer à la fois leur productivité et leur résilience.

En outre, des incitations fiscales ciblées permettraient de baisser le coût des équipements numériques (tels que les smartphones) et de la connectivité, par exemple de la fibre optique qui permettrait un meilleur accès à une connectivité fixe à large bande, plus stable et plus rapide.

En complément de cette offre de services, les entrepreneurs doivent avoir la possibilité de développer leurs compétences. La formation et la sensibilisation permettent d'améliorer non seulement les capacités à utiliser avantageusement Internet mais renforcent également la sécurité de l'ensemble des internautes.

Enfin, nous recommandons aux petites entreprises de contacter des pôles technologiques. Très peu ont indiqué être affiliées à ce type d'institution. Or les pôles technologiques peuvent aider les entreprises à accroître l'efficacité de leurs opérations, à améliorer leurs capacités commerciales, et par extension à stimuler leur croissance.

Les recherches mentionnées dans cet entretien ont été initiées dans le cadre du projet FastTrackTech de l'ITC. La connectivité numérique en Afrique est un défi particulièrement critique, ce pourquoi l'ITC a lancé un projet pilote en la matière, appelé SwitchOn.

L'ITC va publier les résultats de cette recherche dans un document qui sera mis à disposition gratuitement en téléchargement ici. Ces résultats permettront d'éclairer les décideurs politiques, les fournisseurs de services internet et les autres acteurs opérant dans ce domaine, ainsi que les entreprises numériques zambiennes et africaines.