
2010 - Forum mondial pour le développement des exportations - Regain d’optimisme pour la croissance tirée par les exportations après la crise
Le 11ème Forum mondial pour le développement des exportations (WEDF) qui s’est tenu à Chongqing, Chine, du 9 au 12 septembre, a soufflé un vent d’optimisme et confirmé un engagement en faveur de la croissance tirée par les exportations et du commerce en général, l’accent ayant été mis sur la nécessité de repenser les stratégies et les objectifs dans le sillage de la crise.
En tant que manifestation phare de l’ITC, le WEDF est consacré à l’évolution des exportations et de la compétitivité mondiales, ainsi qu’au recensement et à l’analyse des difficultés auxquelles sont confrontés les pays en développement et les économies en transition dans ces domaines.
Sous le thème ‘S’adapter à la structure du commerce mondial de l’après crise et tirer les enseignements pour le développement des exportations’, la manifestation a réuni plus de 300 délégués de 48 pays développés et en développement, y compris des décideurs politiques nationaux et internationaux de premier ordre, des chefs d’institutions d’appui au commerce (IAC), des représentants d’agences internationales et des chefs d’entreprise.
Comprendre l’économie chinoise et son commerce extérieurOrganisé conjointement par le Ministère du commerce de la République populaire de Chine (MOFCOM), le Conseil chinois pour la promotion du commerce international (CCPIT) et la ville de Chongqing, l’événement a donné aux délégués une occasion unique de recueillir des informations de première main sur l’économie chinoise et sa politique dans le domaine du commerce extérieur, ainsi que sur une des villes chinoises à la croissance la plus rapide. Symbole de développement réussi, avec un commerce extérieur d’une valeur totale de $E.-U. 7,7 milliards et des investissements étrangers directs ayant dépassé les $E.-U. 4 milliards en 2009, Chongqing affiche depuis trois ans un taux de croissance annuelle de 15%, lequel est passé à 17% au cours des sept premiers mois de 2010.
En souhaitant la bienvenue au WEDF dans sa ville, le Maire de la municipalité, Huang Qi Fan, a placé cette manifestation de deux jours sous le signe de l’optimisme en affirmant pouvoir maintenir sur sa lancée la croissance enregistrée par Chongqing.
Le Vice-Ministre du MOFCOM, Yi Xiaozhun, a déclaré que le commerce international était un ingrédient de taille de la reprise économique mondiale après la récente crise économique et financière. Grâce au commerce, a-t-il dit, de nombreux pays, dont la Chine, ont obtenu une croissance économique durable.
M. Yi a insisté sur le fait que la Chine était engagée en faveur du libre-échange et ne visait pas l’excédent commercial. Il a ajouté que le pays était en train d’accélérer la restructuration économique destinée à accroître la demande intérieure, et que de nouvelles possibilités d’exporter vers la Chine en découleraient, contribuant ainsi à la reprise économique mondiale.
Le Vice-président du CCPIT, Wang Jinzhen, a déclaré qu’il espérait que le WEDF analyserait en profondeur le paysage commercial mondial ainsi que les mesures de promotion du commerce adéquates. Il a affirmé que la Chine tentait actuellement d’exporter un plus grand nombre de marques, et que son organisation recherchait activement des débouchés pour les petites et moyennes entreprises (PME).
S’adapter au nouvel ordre économique mondialSupachai Panitchpakdi, Secrétaire général de la CNUCED, a déclaré qu’il ne s’agissait pas simplement d’exporter davantage, mais de relier croissance à l’exportation et emploi, et mise en valeur des compétences des entreprises autochtones.
Le Dr Supachai a déclaré que l’augmentation du commerce Sud-Sud était une avancée majeure, la croissance de la demande mondiale étant la plus marquée dans les pays émergents. Alors que des pays tels que le Brésil, l’Inde et la Chine enregistraient des résultats positifs, ils tiraient vers le haut d’autres pays dans leur sillage.
Pascal Lamy, Directeur général de l’OMC, s’est exprimé sur le rôle du commerce, vecteur international de croissance économique et de réduction de la pauvreté, mais il a relevé que pour qu’il profite à tous, de solides disciplines étaient nécessaires afin d’offrir aux entrepreneurs l’environnement équitable, égalitaire, transparent et prévisible dont ils ont besoin.
Évoquant le problème des 49 pays les moins avancés (PMA) désireux d’intégrer les chaînes d’approvisionnement mondiales, M. Lamy a souligné que le seul accès au marché ne garantissait pas l’entrée sur le marché. Les contraintes liées à l’offre continuaient d’empêcher de nombreux pays en développement de pénétrer les marchés.
Représentant le secteur privé, le Vice-président de Tata Steel India, Balasubramanian Muthuraman, a déclaré que la récente crise financière mondiale avait précipité la restructuration de l’ordre économique mondial et qu’un rééquilibrage économique mondial était en cours.
D’un autre côté, a ajouté M. Muthuraman, la combinaison de taux d’épargne peu élevés, d’une consommation forte et de déficits budgétaires importants, conjugués à une compétitivité plus faible, risquaient de considérablement ralentir la reprise dans les pays développés. En revanche, les pays en développement bénéficiant d’une main-d’œuvre meilleur marché, étaient en train d’acquérir un grand savoir-faire technologique et d’accroître leurs niveaux de productivité, tout en devenant également d’importants pôles de consommation.
Autre facteur devant être pris en compte: les pressions croissantes pour le réajustement de la valeur des devises lié aux taux de croissance beaucoup plus rapides du PIB (produit intérieur brut) dans certains pays en développement en comparaison des pays développés. Il était pour l’heure impossible de prédire l’évolution de la situation, en termes de rapidité et d’intensité, mais l’impact serait certainement considérable sur le commerce mondial.
Faire face à la crise
Dans son allocution d’ouverture du Forum, Patricia Francis, Directrice exécutive de l’ITC a averti qu’en dépit de signes de reprise positifs, les stratégies commerciales adoptées dans le sillage de la crise financière devaient être axées sur une croissance durable à long terme, plutôt que sur des solutions rapides. Elle a ajouté qu’alors que le monde subissait les assauts conjugués de la crise financière, de la crise alimentaire et du changement climatique, il était impératif d’évaluer l’impact des comportements et de revoir les structures et les systèmes.
Mme Francis a averti que les logiques à court terme pouvaient amener au protectionnisme et saper la confiance, l’accent étant mis sur l’évitement du risque plutôt que sur l’action.
‘Ignorer un aspect de la crise au profit d’un autre pourrait offrir des gains à court terme, mais pour s’assurer que le marché fonctionne réellement au bénéfice de tous, les parties prenantes mondiales, régionales et locales doivent tomber d’accord sur un ensemble d’objectifs et de responsabilités communs’, a-t-elle déclaré.
Mme Francis a rappelé aux participants que le monde avait considérablement changé depuis le dernier WEDF deux ans plus tôt, date à laquelle l’accent avait été mis sur la conscience des consommateurs en tant que moteur essentiel des décisions d’achat et facteur d’évolution des marchés. Ce bouleversement du marché impose aujourd’hui de repenser les objectifs et produits fondamentaux des organisations et des entreprises. La crise économique aura été pour tous catastrophique, même si certains secteurs et nations s’en sont mieux sortis que d’autres. En temps de crise, la tendance est au repli sur soi, à se préoccuper de ses propres problèmes, mais ce n’est pas une solution.
‘Nous devons créer des synergies entre nos objectifs et conjuguer nos forces pour œuvrer de conserve’, a déclaré Mme Francis.
Pour garantir la durabilité à long terme et créer des débouchés pour l’avenir, il convient d’opter pour une approche sur la durée et de voir grand. Mme Francis a aussi insisté sur le fait que le développement exige des partenariats qui profitent à tous, entre les régions, les secteurs public et privé et les chaînes d’approvisionnement, avec l’appui d’IAC solides et le soutien financier des entreprises.
L’état du commerce mondialDans son discours d’ouverture, le stratège mondial et auteur de Redéfinition de la stratégie globale, Pankaj Ghemawat, s’est exprimé sur ‘Le commerce et la mondialisation en perspective’.
Le Professeur Ghemawat a déclaré que pour progresser, il était nécessaire de s’attaquer à trois questions: l’ampleur réelle de la mondialisation; l’ampleur des obstacles au commerce; et la compréhension des gains potentiels du commerce. Il a démontré que nombreux pensaient que la mondialisation était beaucoup plus avancée qu’elle ne l’était réellement. Pour lui, cinq facteurs facilitaient le commerce: une langue commune; une relation entre ancienne colonie et colonisateur; une monnaie commune; et une frontière terrestre.
‘Les pays qui réunissent ces cinq facteurs enregistrent des échanges jusqu’à trois fois plus élevés que les autres,’ a-t-il ajouté.
Pour le Professeur Ghemawat, les obstacles au commerce vont bien au-delà des obstacles administratifs. Les facteurs culturels, économiques et géographiques doivent être pris en compte, et les gains potentiels du commerce, notamment les investissements à l’étranger, doivent être envisagés dans un contexte plus vaste, en ne s’attardant pas uniquement sur l’accroissement des volumes et l’abaissement des coûts. La différenciation, la concurrence accrue, la normalisation du risque et la production de savoir sont autant d’autres éléments source de valeur.
Dynamisme du commerce Sud-SudDans le cadre de l’examen de l’état du commerce mondial après la crise, les intervenants sont convenus que s’il y avait de fortes chances pour que les marchés des pays développés restent léthargiques, les marchés émergents et les pays en développement pourraient bien afficher une croissance dynamique, notamment via le commerce Sud-Sud.
L’élément phare de la reprise était la diversification des marchés et des produits ainsi que la croissance du commerce Sud-Sud, deux fois plus rapidement que celle du commerce mondial, favorisée par l’intégration économique, l’ouverture des échanges, les politiques d’investissement et les engagements contractés à l’OMC. Le nouveau dynamisme et les forces de la croissance économique contrastaient avec la lenteur et l’incertitude de la reprise dans les pays développés, lesquels enregistraient de faibles taux de croissance susceptibles de perdurer pendant une dizaine d’années encore. Bien que l’on ne puisse dire si la croissance au Sud compensera l’atonie des marchés traditionnels, parmi les questions à aborder figuraient le juste équilibre entre croissance du marché intérieur et croissance à l’exportation, le rôle de l’intégration régionale et la consolidation de la valeur ajoutée des accords commerciaux Sud-Sud.
Parmi les défis à relever pour maintenir la croissance sur sa lancée figuraient l’adoption de stratégies de croissance inclusives; la sécurité alimentaire; la gestion et la facilitation des investissements; le financement du commerce, dont la vulnérabilité a été révélée par la crise; la réglementation et la transparence; ainsi que la libéralisation multilatérale du commerce.
Financement de la chaîne d’approvisionnementIl convient de trouver de nouveaux modes de financement innovants pour accroître le nombre de transactions afin que toutes les parties en bénéficient.
Le Président de Audit Control and Expertise Global, André Soumah, a déclaré qu’un des plus gros problèmes du commerce international était le manque de confiance entre les différents acteurs de la chaîne d’approvisionnement. Dans le même temps, personne ne voulait assumer de responsabilités et contracter des obligations. Du fait de ce manque de confiance, conjugué à la complexité des chaînes de valeur des pays en développement, les banques accordaient difficilement des financements à la transaction. Il a proposé un modèle de financement alternatif de la chaîne d’approvisionnement axé sur cinq étapes clés de la chaîne: les producteurs; les stockeurs; les négociants; les transformateurs; et les utilisateurs finaux.
Le responsable régional de Commodity Traders and Agriculture for Africa de la Standard Chartered Bank, Afrique du Sud, Zhann Meyer, a déclaré que la crise avait considérablement modifié les garanties de prêts sur bilan généralement données aux banques. Pour les banques tournées vers l’avenir, la gestion des nantissements a été entièrement repensée. Elles s’orientent à présent vers une reconnaissance de la valeur intrinsèque des produits négociés, lesquels peuvent donc être utilisés en garantie.
Les nouvelles structures et les nouveaux mécanismes façonnés sous la houlette des organisations multilatérales, des gouvernements et des IAC, destinés à satisfaire la demande du nouveau monde économique multipolaire, imposent aux entreprises et aux IAC de s’adapter. Il est urgent que ces dernières s’adaptent aux nouvelles réalités économiques afin de donner des orientations stratégiques en matière d’investissement et de développement des exportations, à la lumière des nouvelles réalités du monde multipolaire.
Les services traditionnels des IAC ne suffisent plus, tant dans leur portée que dans leur disponibilité. Les IAC doivent non seulement se tourner vers les marchés étrangers, mais aussi se tourner vers l’intérieur, aider les entreprises à mieux satisfaire aux prescriptions en matière de qualité, utiliser le marché intérieur pour la R&D, en s’assurant que les entreprises sont prêtes pour obtenir un financement et en aidant les exportateurs à trouver la place qui leur convient dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.
En conclusion, tout le monde s’est accordé sur la nécessité de garantir la solidité et la préparation des IAC, ainsi que sur le fait qu’elles devaient être plus que jamais souples pour s’adapter à un monde en constante mutation. Les IAC pourraient aussi devoir adopter une vision plus large de leur rôle dans leurs propres pays, en optant pour un modèle commercial intégré, axé non seulement sur les exportations, mais aussi sur les importations et l’investissement étranger comme moyens d’accès à de nouveaux débouchés.
Pour garantir une croissance durable dans le nouvel environnement commercial, les mesures suivantes devront être envisagées:
- Les IAC devront être plus dynamiques et réactives;
- Les entrepreneurs devront trouver leur place dans les chaînes d’approvisionnement mondiales;
- Les décideurs politiques devront s’attaquer aux normes et aux mesures non tarifaires à l’échelle multilatérale, pour faire en sorte qu’elles ne se transforment pas en obstacles;
- Le secteur des services financiers devra offrir davantage de flexibilités; et
- Le secteur privé devra s’exprimer d’une seule et même voix pour plus d’efficacité dans les partenariats public-privé.
Pour plus d’informations, y compris des résumés des séances et des téléchargements en anglais: www.intracen.org/wedf/.
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Conclusions
Dans son allocution de clôture, Mme Patricia Francis, Directrice exécutive de l’ITC, a mis en lumière les conclusions de la réunion, notamment:
- Le monde n’est peut-être pas aussi mondialisé que d’aucuns pourraient le croire, ce qui signifie que des débouchés restent à exploiter pour les entreprises.
- Les économies émergentes de grande taille devront trouver un juste équilibre entre croissance de la demande intérieure et augmentation des exportations.
- Les pays et les entreprises devraient s’attacher à accroître la valeur plutôt que le volume des exportations.
- Les cadres réglementaires devraient soutenir ces interventions par le biais de mesures fiscales et d’un appui ciblé, pour favoriser l’innovation.
- L’intégration régionale est essentielle, en particulier en Afrique et dans les régions peuplées de petites îles telles les Caraïbes et le Pacifique.
- Le commerce Sud-Sud entre pays en développement et marchés émergents est appelé à devenir un des principaux moteurs du commerce et de la croissance.
- Les pays et les entreprises doivent penser à long terme et des mesures d’incitation dans ce sens devraient être offertes.
- Le commerce des services est appelé à se développer et le tourisme représente une porte d’entrée facile pour de nombreux pays en développement.
- L’urbanisation pourrait contribuer à la réduction de la pauvreté pour autant qu’elle soit liée aux stratégies d’exportation et à des marchés dynamiques.
- Toutes les mesures à prendre devront l’être dans un contexte de croissance à faible intensité de carbone.