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Autonomie et culture pour mieux vivre en Indonésie

15 décembre 2021
Evelyn Seltier, Centre du commerce international

Il y a sept ans naissait en Indonésie l’entreprise sociale Du Anyam, créée par trois jeunes femmes pour assurer des revenus supplémentaires aux communautés rurales de femmes. Son impact aujourd’hui dépasse ce qu’elles avaient imaginé.

 

Workers of Du Anyam
Du Anyam
Il est primordial que les femmes de ces îles reculées puissent avoir des revenus additionnels tout au long de l’année, indépendamment des saisons.
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Comme de nombreuses zones rurales à travers le monde, le paysage indonésien se caractérise par des fermes traditionnelles de petite taille et une agriculture de subsistance.

Dans la région reculée de East Flores, par exemple, tandis que la plupart des hommes ont dû émigrer pour trouver du travail, les femmes assurent la subsistance de la famille. Même si les hommes envoient au pays une partie de leur salaire, les liquidités viennent à manquer pendant la saison sèche. Selon la Banque mondiale, en 2018, le taux de pauvreté rurale était encore à 13,2 %.

Azalea (Ayu) Ayuningtyas, une des trois fondatrices de Du Anyam, m’explique que des revenus supplémentaires sont vitaux pour la survie des familles. Sans eux, il leur faudrait emprunter de l’argent et le rembourser ensuite grâce aux récoltes, ce qui crée un cycle de pauvreté et de faim pouvant mener à la famine.

C’est ainsi qu’est née l’idée de « Du Anyam »

© Du Anyam

Du Anyam signifie « le tissage des mères »

Les fabuleux talents de tisserand des femmes locales n’était pas un secret pour Ayu et ses amies, Melia Winata et Hanna Keraf. Elles ont ainsi fondé Du Anyam pour préserver cette tradition centenaire de tissage des feuilles de palmier, et faire de cette pratique culturelle une activité lucrative. Cette solution s’est avérée idéale pour générer des revenus supplémentaires, à hauteur de 40 %. Par extension, elle a aussi permis de créer davantage d’équité et d’améliorer la condition nutritionnelle des femmes et des enfants.

Le fait que ces femmes soient devenues économiquement autonomes a modifié leur pouvoir de décision au sein des communautés. En travaillant pour Du Anyam, les femmes ont développé un sens plus aigu de la propriété, la confiance en soi et en sa raison d’être.

© Du Anyam

Grâce à des revenus stables, elles ont surtout pu se concentrer sur l’éducation de leurs enfants. Par le biais de ses partenaires, l’entreprise sociale offre des bourses d’étude aux enfants et petits-enfants des tisserandes, ainsi que des opportunités d’emploi aux jeunes diplômés universitaires qui, sans travail, n’auraient d’autre choix que de quitter l’île pour les centres urbains.

Le secret du succès : un bon système et des données.

Sept ans plus tard, Du Anyam est une affaire florissante qui compte 1 200 tisserandes réparties sur 50 villages. L’objectif est d’employer 5 000 femmes d’ici 2023.

À cette fin, l’entreprise produit pour la vente en gros et l’export. Ses principaux marchés sont le Japon, la République de Corée et les États-Unis, avec quelques grossistes implantés en Europe.

Par ailleurs, en raison de la pandémie de COVID-19, le télétravail a contraint de nombreuses personnes à rester à la maison, entrainant une demande accrue en décoration intérieure. L’entreprise n’a aucun mal à se conformer aux normes spécifiques des acheteurs – tous ses produits sont naturels, faits à la main, et reflètent les bonnes conditions de travail des femmes.

Nous avons constaté une tendance positive : les femmes participent plus activement aux réunions de village, elles ont gagné en confiance, expriment leurs opinions et prennent leurs propres décisions.
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© Du Anyam
Nous réussissons parce que nous sommes crédibles. Parce que nous avons une capacité plus grande comparée aux autres entreprises sociales. Et parce que nous avons un bon système et des données qui appuient notre activité.
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Pour atteindre notre objectif de 5 000 tisserandes, nous développons une technologie qui facilite l’accès de la communauté.
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© Du Anyam

La crise liée à la COVID-19 a amené de nouvelles opportunités : la technologie et des partenaires.

La pandémie de COVID-19 a généré de nombreux défis pour les entreprises du monde entier, mais pour Du Anyam elle a aussi amené deux opportunités.

Krealogi est un écosystème numérique qui aide les artisans à développer leur activité grâce à une application mobile. Poussée par un développement rapide en 2018, Du Anyam a commencé à l’utiliser pour documenter sa production, ses paiements et ses opérations.

Depuis l’année dernière, Du Anyam propose cette technologie à d’autres petites entreprises et communautés afin de leur permettre de numériser leurs commandes et la gestion des stocks, les plans de production et le suivi des coûts.

© Du Anyam

 

 

 

 

En outre, l’entreprise sociale s’emploie à bâtir un écosystème qui inclut l’accès aux financements, la consolidation de la logistique, les marchés et le partage des connaissances. Le but est d’autonomiser les communautés de femmes et les petites entreprises pour qu’elles se lancent dans des activités dépassant le simple cadre de vie local.

Curieusement, malgré la COVID-19, nous recevons de plus en plus de demandes de la part de nos clients exportateurs pour être leur fournisseur à long terme. Cela nous permet de renforcer notre système à East Flores, tout en formant davantage de femmes au tissage afin de répondre à leurs besoins. Cet avenir radieux pourrait jouer un rôle crucial dans la réduction du taux de pauvreté dans les zones rurales d’Indonésie.
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Du Anyam a bénéficié de l’initiative SheTrades du Centre du commerce international entre 2016 et 2018, financée par Australian Aid. L’entreprise a pu participer au Forum du commerce des femmes (Women’s Business Forum) coorganisé par SheTrades à Jakarta en 2017. Elle a également suivi un atelier sur le marketing numérique et le commerce électronique coorganisé par SheTrades et Facebook Indonésie en 2017.