Entretiens

De jeunes à jeunes : Des politiques d'entrepreneuriat concrètes !

11 août 2023
Entretien avec Nikita Dennis Joseph, Marcus Vinicius Bollini Engler, et Heeran Kim

Voici le deuxième entretien mené par le Forum du commerce dans le cadre du projet Capstone, une collaboration entre l'ITC et l’Institut de hautes études internationales et du développement, basé à Genève. Trois jeunes chercheurs de l'Institut nous parlent des défis auxquels les jeunes sont confrontés en matière d'entrepreneuriat.

 

Découvrez ce que ces jeunes étudiants suggèrent aux décideurs politiques de faire différemment pour permettre aux jeunes entrepreneurs de bénéficier d'un environnement commercial propice à l'emploi.

L'ITC vous a demandé de mener des recherches sur les politiques ciblant l'esprit d'entreprise chez les jeunes. Pourquoi ?

La croissance et le développement du monde reposent sur les générations actuelles mais aussi futures, à savoir les jeunes. La proportion de jeunes parmi les populations va largement augmenter, en particulier dans les pays en développement.

En 2019, les Nations Unies estimaient que la population de 15 à 24 ans s'élevait à 1,2 milliard de personnes, soit 16 % de la population mondiale totale. D'ici à 2030 – date butoir pour les objectifs de développement durable (ODD) – cette proportion devrait augmenter de 7 %, pour atteindre près de 1,3 milliard de jeunes. Dans les pays les moins avancés, la part des jeunes devrait augmenter encore davantage, soit 62 % au cours des trois prochaines décennies, de 207 millions en 2019 à 336 millions en 2050.

C'est donc par l'entrepreneuriat des jeunes que l'on pourra créer davantage d'emplois. Dans le cadre de notre recherche, nous avons analysé les politiques existantes en matière d'entrepreneuriat des jeunes dans quatre pays – le Ghana, le Kenya, la Colombie et les Philippines. Nous avons déterminé leur degré d'efficacité et identifié leurs limites afin d'en tirer des recommandations politiques optimales, qui pourraient conduire à un environnement commercial propice à l'entrepreneuriat des jeunes.

Pour cette étude, nous nous sommes appuyés sur un examen approfondi de la littérature internationale relative à l'entrepreneuriat des jeunes, ainsi que sur des données qualitatives primaires collectées par le biais d'entretiens semi-structurés avec de jeunes entrepreneurs, des centres d'entrepreneuriat et des agences gouvernementales de développement.

Quelles sont vos conclusions ?

Sur la base des stratégies nationales en matière d'entrepreneuriat, nous avons identifié cinq domaines clefs où l'action politique permettrait de stimuler l'esprit d'entreprise chez les jeunes :

  1. Les lois et les réglementations ;
  2. L'éducation et les compétences ;
  3. La technologie et l'innovation ;
  4. L'accès au financement ; et
  5. La sensibilisation et la mise en réseau.

Tous les pays étudiés sont minés par des défis communs, à savoir des réglementations strictes et des processus d'enregistrement complexes. Aux Philippines, en particulier, les réglementations et les lois sont obsolètes, ce qui crée de nombreux obstacles pour les entreprises.

Les pays étudiés s'accordent également à reconnaître que les compétences en sciences, dans les technologies et en matière d'innovation sont un moteur primordial de l'entrepreneuriat des jeunes, et qu'il faut en accélérer l'apprentissage, mais l'éducation et la formation à l'entrepreneuriat sont rares. Les disparités régionales entre les zones urbaines et rurales constituent un autre défi commun pour les programmes de formation.

L'accès au financement est l'un des défis les plus cruciaux dans la plupart des pays en développement. Les raisons pour lesquelles les jeunes entrepreneurs des pays étudiés rencontrent de telles difficultés sont cohérentes : il s'agit principalement du manque de garanties, d'antécédents en matière de crédit et d'expérience entrepreneuriale, obstacle majeur qui entrave les jeunes.

Le niveau de sensibilisation et de travail en réseau des jeunes entrepreneurs semble varier entre les pays cités. Certains programmes stagnent, d'autres montrent des difficultés à atteindre le niveau de mise en réseau.

Que faut-il changer ?

Pour améliorer les politiques existantes et l'écosystème de l'entrepreneuriat des jeunes, des politiques plus spécifiques et plus concrètes seront essentielles dans chacun des aspects des cinq domaines politiques relatifs à l'entrepreneuriat des jeunes.

Notre rapport incorpore des recommandations politiques générales ainsi que des recommandations spécifiques à chaque pays en fonction des défis rencontrés. En bref, nous recommandons les actions suivantes :

1. Optimiser l'environnement réglementaire

  • Moderniser les lois et les réglementations relatives à l'entrepreneuriat pour un accès inclusif à la formalisation ; et
  • Formuler des stratégies pour améliorer la connaissance de ces lois et réglementations.

2. Améliorer l'éducation et les compétences entrepreneuriales

  • Introduire un système de récompenses (crédits, notes) pour les étudiants qui sont aussi des entrepreneurs ; et
  • Renforcer l'éducation et la formation à l'entrepreneuriat à tous les niveaux du système éducatif.

3. Faciliter l'échange de technologies et d'idées innovantes

  • En collaboration avec les universités de toutes les régions, proposer davantage de cours sur les compétences informatiques qui soient ouverts à tous ; et
  • Investir dans l'innovation par des mesures incitatives, notamment des allègements fiscaux et des subventions.

4. Améliorer l'accès au financement

  • Introduire des prêts à faible taux d'intérêt auprès des banques, en ciblant les jeunes entrepreneurs à fort potentiel et en développant des produits financiers/prêts gouvernementaux, dédiés aux jeunes et aux femmes entrepreneurs ; et
  • Attirer des alternatives de financement avec des billets plus modestes afin que les jeunes entrepreneurs à la tête d'entreprises plus petites puissent accéder à des options de financement plus abordables grâce aux principes de la finance innovante et de l'investissement d'impact.

5. Promouvoir la sensibilisation et la mise en réseau

  • Développer des programmes de mentorat pour mettre en relation les entrepreneurs en herbe avec des experts dans leurs domaines respectifs ; et
  • Créer une plateforme nationale en ligne où les jeunes entrepreneurs peuvent trouver des données commerciales pertinentes sur les start-up existantes, les incubateurs actifs, les accélérateurs et les centres d'innovation ; un guide pratique sur la manière de s'orienter dans les politiques d'appui aux entreprises/à l'entrepreneuriat ; et un espace pour les entrepreneurs où faire part des défis qui les freinent, partager les solutions à ces problèmes, et trouver des soutiens pour mettre en œuvre les solutions.