Entretiens

Au-delà des prêts concessionnels pour les petits États insulaires en développement

20 avril 2024
Entretien avec Fatima Yasmin, vice-présidente pour les secteurs et les thèmes, Banque asiatique de développement (ADB)

Le Forum du commerce s'est entretenu avec Fatima Yasmin, Vice-Présidente de la Banque asiatique de développement, pour en savoir plus sur la manière dont les banques de développement des petits États insulaires en développement peuvent améliorer la situation financière souvent difficile de ces économies vulnérables et de leurs petites entreprises.

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Q : La Banque asiatique de développement (BAD) a récemment annoncé une modification de ses conditions de prêt concessionnel pour les petits États insulaires en développement (PEID). Qu’est-ce qui motive cette décision ?

R : En 2023, la BAD a amélioré ses conditions de prêt concessionnel pour les PEID afin d'accélérer les investissements et de répondre aux besoins urgents de financement du développement, en particulier pour renforcer la résilience dans un contexte de vulnérabilités accrues et croissantes.

Nos conditions de prêt concessionnel pour les PEID sont désormais alignées sur les conditions de prêt de l'aide d'urgence. Étant donné que les coûts de financement de la réduction des risques de catastrophe sont désormais équivalents à ceux de la reconstruction après une catastrophe, cela contribuera à les prévenir et à encourager les actions préparatoires pour l'adaptation au climat.

Par ailleurs, vu les effets persistants de la pandémie et des chocs mondiaux ultérieurs qui ont entraîné une érosion de l'espace budgétaire et une augmentation du fardeau de la dette des PEID, le renforcement de la concessionnalité contribuera également à réduire leurs obligations futures en matière de service de la dette.

À son tour, l'espace budgétaire libéré peut être canalisé vers des investissements visant à combler les lacunes en matière d'infrastructures, à renforcer les services sociaux et à accroître les investissements dans l'adaptation au climat et dans la réduction des risques de catastrophe.


Fatima Yasmin est vice-présidente pour les secteurs et thèmes de la Banque asiatique de développement.
© Eric Sales / ADB
Les élèves du lycée de Palau bénéficient du projet d'investissement dans la connectivité régionale du Pacifique Nord, qui vise à fournir un accès à l'internet abordable et de qualité.
Eric Sales / ADB

Q : Au-delà des conditions de prêt concessionnel, comment l'appui de la BAD contribue-t-il à améliorer l'accès au financement des petites entreprises dans les PEID ?

R : Le travail de la BAD dans le secteur financier du Pacifique est fortement axé sur la réduction du déficit de financement dans le secteur des petites entreprises. En voici quelques exemples :

  • Des cadres de transactions garanties ont été légiférés dans dix pays* de la région et des registres de garanties ont été mis en place. Grâce à ces registres, les petites entreprises peuvent utiliser des biens mobiliers tels que des voitures, des machines et la valeur des récoltes comme garantie de prêt.
  • La BAD a travaillé avec des institutions financières dans toute la région pour développer des produits au sein des chaînes d'approvisionnement agricoles. Ce fut le cas, par exemple, avec des produits de prêt pour les producteurs de gingembre à Fidji par l'intermédiaire de sa banque de développement et pour les producteurs de vanille en Papouasie-Nouvelle-Guinée par l'intermédiaire de MiBank.
 

* États fédérés de Micronésie, Fidji, Îles Cook, Îles Marshall, Îles Salomon, Palau, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Samoa, Tonga, et Vanuatu.

 

  • Les banques de développement de la région ont pour mandat de prêter au secteur des micro et petites entreprises. La BAD aide les banques de développement à développer de nouveaux produits de prêt, à améliorer leurs politiques d'évaluation du crédit et à aligner leurs services sur les besoins des entreprises détenues et dirigées par des femmes.
  • La BAD appuie les Fidji dans l'élaboration d'une législation autorisant des plateformes alternatives de collecte de fonds qui permettront aux petites entreprises de lever plus facilement des fonds propres et des capitaux d'emprunt.
  • Dans six pays* du Pacifique, la BAD appuie les services de développement des petites entreprises pour les aider à améliorer leur stratégie commerciale et à préparer des propositions financières bancables à soumettre aux institutions financières. 

* Îles Cook, Fidji, Samoa, Îles Salomon, Tonga, Vanuatu

Clients et personnel de l'Autorité de promotion des investissements, Papouasie-Nouvelle-Guinée. La BAD fournit des conseils et une aide au renforcement des capacités pour aider les pays en développement du Pacifique membres de la BAD à améliorer leur environnement commercial.
Gerhard Joren/ADB

Q : Comment la BAD, en collaboration avec d'autres partenaires, contribue-t-elle à promouvoir des pratiques commerciales durables, à appuyer la transition vers des économies vertes et à renforcer l'autonomie des femmes entrepreneures dans les PEID ?

R : Le commerce a permis à des centaines de millions de personnes de sortir de la pauvreté. Pourtant, l'enquête de la BAD sur les écarts de financement du commerce, la croissance et l'emploi, publiée en septembre 2023, estime que l'écart de financement du commerce mondial s'élèvera à 2 500 milliards de dollars en 2022 (contre 1 700 milliards de dollars en 2020), les petites entreprises et les entreprises dirigées par des femmes étant les plus mal desservies.

Le Programme de financement du commerce et des chaînes d'approvisionnement mené par la BAD vise à optimiser l'impact potentiel du commerce sur le développement par le biais de garanties et de prêts, ainsi que des produits, des services et des solutions en matière de connaissance. Son objectif est de rendre le commerce mondial et les chaînes d'approvisionnement « verts, inclusifs, résilients, transparents et socialement responsables », en travaillant dans les marchés les plus difficiles, y compris ceux des petits États insulaires en développement.

En outre, notre programme favorise les partenariats externes pour réaliser son objectif, notamment pour suivre le niveau d’émission de carbone à chaque étape des chaînes d'approvisionnement, pour numériser les exportations et les importations physiques, et pour lutter contre le blanchiment d'argent dans le commerce.

 

 

 

 

Une de nos initiatives porte sur l'inclusion dans le commerce par le biais du renforcement des compétences et des capacités des entreprises détenues par des femmes. Nous le faisons en partenariat avec l'initiative SheTrades du Centre du commerce international. SheTrades offre divers avantages aux femmes d'affaires, notamment l'accès aux marchés, le renforcement des capacités grâce à sa gamme de formations en ligne, des possibilités de réseautage qui facilitent la collaboration entre les femmes entrepreneures, et le plaidoyer en faveur de politiques commerciales favorisant l'égalité des genres.

Les partenariats, tels que la collaboration entre la BAD et l'ITC, sont donc essentiels à la réalisation de l’objectif de notre programme qui consiste, comme déjà mentionné, à rendre le commerce plus vert, plus inclusif, plus résilient, plus transparent et plus responsable sur le plan social.

Le financement du commerce et de la chaîne d'approvisionnement de la BAsD et sa collaboration avec l'initiative SheTrades de l'ITC contribuent à libérer le potentiel économique des femmes dans le Pacifique.
Luis Enrique Ascui/ADB