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Entretiens

Investir en Afrique pour une mode 100 % africaine

18 octobre 2022
Entretien avec Hugues Didier, Cofondateur, Panafrica

Le Forum du commerce s'est entretenu avec Hugues Didier, cofondateur de la marque de mode éthique et durable Panafrica. Des imprimés et tissus envoûtants d'Afrique de l'Ouest, une entreprise sociale créée malgré les nombreux défis, et une chaîne d'approvisionnement oubliée à laquelle donner du sens : cet article vous propose de découvrir l'énorme potentiel du continent africain.

Qu'est-ce qui a inspiré la création de Panafrica ?

Au sortir de l'université, mon premier emploi m'a amené en Afrique de l'Ouest. J'ai passé trois ans au Sénégal, en Côte d'Ivoire et au Congo-Brazzaville à travailler pour une société qui finance des petites entreprises et des entrepreneurs. L'expérience a été incroyable, tant sur le plan personnel que professionnel.

Vulfran, mon ami de l'université, et moi avons toujours su qu'un jour nous allions monter une entreprise. Tous les deux inspirés par les tissus et les imprimés que j'avais découvert en Afrique de l'Ouest, nous avons compris que le moment était venu. Nous avons quitté nos emplois et sauté directement dans le monde des affaires. Nous voulions donner du sens, à la fois aux produits que nous allions proposer et à notre travail. L'Afrique déborde de créativité – nous sentions qu'il était temps de donner aux matériaux et aux produits finis africains toute leur place dans le monde.

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Founders of Panafrica: Vulfran de Richoufftz and Hugues Didier (on the right)
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L'idée que nous cherchons à incarner est « tout africain ». Tout est produit en Afrique. Les matériaux sont pratiquement tous 100 % africains. Nous voulons aussi défendre l'égalité sociale, la production éthique et lente, et les processus durables.
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© Panafrica

Vous vous êtes lancés en 2015. Quels défis avez-vous dû surmonter depuis ?

Tout d'abord, il était essentiel que nos matériaux proviennent d'Afrique. Nous ne voulions pas acheter de faux imprimés en cire fabriqués en Chine ou en Inde. En nous assurant de notre approvisionnement africain, nous avons beaucoup appris sur le secteur du textile en Afrique.

D'emblée nous avons réalisé que la plupart des imprimeries de tissu mettaient la clé sous la porte, à cause de la concurrence des tissus fabriqués en Asie, importés et vendus sur le marché local à des prix plus bas. Nous nous approvisionnons désormais auprès du principal producteur d'impressions en cire de Côte d'Ivoire, UNIWAX.

Nous apprécions également le savoir-faire spécifique de la fabrication africaine. On ne le trouve pas ailleurs. Pour les chaussures, nous avons trouvé notre bonheur avec un fabricant marocain. Mais avant de le dénicher, il nous a fallu visiter plus d'une vingtaine d'usines. Ces visites nous ont donné un aperçu de la réalité du travail en usine. Nous ne voulions pas faire affaires avec une entreprise qui traite ses employés de manière injuste ou contraire à l'éthique.

Aujourd'hui, nous sommes confrontés au défi de l'approvisionnement en intrants africains. Nous avons récemment lancé notre ligne de vêtements produits au Ghana. Mais vous ne pouvez pas y trouver de fil ou de fibres de coton biologique, seulement la matière première.

Nous avons alors essayé de nous approvisionner auprès d'une usine du nord de la Côte d'Ivoire et d'importer ces intrants au Ghana. Il fallait six mois pour produire 1 000 mètres de fil et les coûts d'importation étaient insensés. En Afrique, il est plus rentable d'importer des matériaux à base de plastique depuis la lointaine Asie que de produire du fil avec des matériaux locaux et de l'expédier depuis un pays voisin.

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Qu'est-ce qui manque, selon vous, au fonctionnement des chaînes d'approvisionnement ?

Il faut un écosystème commercial propice. Le potentiel est là, la demande et les matières premières aussi ; c'est l'offre qui fait défaut. L'Afrique a besoin d'investissements, dans la modernisation des machines et des usines.

Le besoin en formations est également criant. Les problèmes de dédouanement et de logistique doivent aussi être résolus. Pour faire simple, il faut un écosystème qui travaille de concert et dans un seul but : rendre votre entreprise viable. Il n'est pas possible d'y parvenir seul. Les initiatives privées sont essentielles pour lancer la dynamique, mais les gouvernements doivent aussi l'appuyer.

Quel rôle jouent les partenaires pour votre entreprise ?

Nous travaillons avec des coopératives, des organisations non gouvernementales et le Centre du commerce international pour développer notre ligne de production. L'agence allemande de coopération GIZ et l'ITC nous ont ouvert des portes à Accra. Ils avaient les bons contacts et nous ont appuyés financièrement pour l'organisation d'une séance photos de nos produits.

En tant que jeune entreprise émergente, il est difficile de tout mener de front. Vous avez besoin de partenaires et les partenaires ont besoin de vous – c'est une relation gagnant-gagnant, par exemple entre les artistes qui imaginent les motifs des tissus et notre entreprise qui donne vie à ces tissus dans nos collections. D'autres partenaires sont tout aussi essentiels pour aider cette relation gagnant-gagnant, comme l'ont fait la GIZ et l'ITC.

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Quels défis immédiats et à long terme prévoyez-vous dans le secteur de la mode durable ?

Cette industrie est beaucoup plus avancée que d'autres, et c'est surtout grâce aux marques. D'une certaine manière, une marque éduque ses consommateurs.

Du coup, les attentes dans ce secteur sont plus élevées, ce qui est bien car cela nous oblige à être d'autant plus transparents, encore plus durables. C'est un sacré défi, mais aussi un bon défi.

À quoi ressemble l'avenir pour Panafrica ?

Nous avons de grands projets ! Nous venons d'obtenir des fonds privés, qui vont nous permettre d'accélérer notre développement.

Nous voulons avoir une présence en ligne plus forte et pénétrer le marché de la vente en gros : notre objectif au cours des trois prochaines années est d'avoir 300 détaillants qui vendent nos produits.

Nous voulons également ouvrir un magasin à Paris l'année prochaine, pour qu'il serve de vitrine mondiale, et créer des partenariats innovants avec de nouveaux talents en Afrique pour élargir notre ligne de produits.

C'est un secteur qui évolue. Nous apprenons tous les jours. Et c'est passionnant !

Panafrica a collaboré avec le Centre du commerce international dans le cadre du Réseau d'accélérateurs de la mode et du textile en Afrique (Africa FAN) afin de contribuer à la création d'emplois dans les industries locales du textile et de l'habillement. Africa FAN a été conçu grâce à l'Initiative spéciale sur la formation et la création d'emplois du Ministère fédéral allemand de la coopération économique et du développement (BMZ) ; le réseau est mis en œuvre conjointement par l'agence allemande de coopération (GIZ, Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit GmbH) et le Centre du commerce international (ITC).