Trade Forum Ecopreneur Feature Dominican Republic
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À la conquête du marché vegan – avec une touche d'originalité

27 novembre 2023
Evelyn Seltier, Centre du commerce international

Entrepreneure en République dominicaine, Lidia Díaz s'est lancée à la conquête du marché vegan des surgelés en recourant à la biotechnologie. De manière créative, elle répond aux besoins des consommateurs soucieux de leur santé et de l'environnement, tout en soutenant sa communauté locale. Voici son récit.

 

Si la viande végétale est présentée comme une nouveauté, une réponse à la tendance croissante du consumérisme végétalien, en réalité, elle est tout sauf nouvelle. Il s'agit d'une tradition asiatique millénaire, développée à une époque où la transformation du soja en simili-viande était une nécessité pour répondre aux besoins d'une vaste population, et non un luxe.

 

La question aujourd'hui et de trouver le moyen de commercialiser cette viande alternative et nutritive auprès d'un public de masse. C'est la prouesse réalisée par Lidia Díaz en République dominicaine.

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© Pedro Farias-Nardi/ITC/FairPicture

Réchauffer une vieille tradition pour servir l'environnement

Lidia aime la bonne cuisine. Hors de question pour elle de suivre un régime, me dit-elle avec un large sourire, elle aime trop les plats traditionnels de son pays d'origine pour résister à la tentation.

Pourtant, il y a 12 ans, alors que Lidia vient d'avoir 21 ans, elle prend conscience de deux choses : prendre soin de sa santé n'est pas une option mais un impératif, et la production de viande a des effets dévastateurs sur l'environnement.

Le site internet anglais sur le changement climatique, Carbon Brief, avait alors publié un questionnaire interactif qui montrait exactement l'ampleur des dégâts causés par la viande par rapport à d'autres aliments. Les industries de la viande et du lait créent 7,1 gigatonnes de gaz à effet de serre par an, soit 14,5 % du total des émissions d'origine humaine. La viande contribue également au dérèglement climatique en détruisant des forêts et d'autres habitats pour faire place à des pâturages (pour plus amples informations sur ce point, lisez cet article).

La passion de Lidia pour la biotechnologie alimentaire est née bien après sa décision de devenir végétalienne. Elle a d'abord étudié la philosophie et possède une licence en gestion administration et en marketing, ce qui lui a été fort utile par la suite.

Puis, après avoir étudié les principes de la fabrication de la viande végétale et d'autres substituts de protéines animales, Lidia a commencé à donner une nouvelle tournure à ses plats préférés, en cuisinant ces recettes traditionnelles à base de plantes.

Après une première tentative infructueuse de livraison de repas à la demande, Lidia et son associé Braulio Villalona ont repensé leur modèle d'entreprise : Plant Powered a ainsi vu le jour en 2017.

En Asie, dans les familles, les gens ne sont pas des techniciens de l'alimentation. Je me suis dis que je pouvais faire aussi bien.
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© Pedro Farias-Nardi/ITC/FairPicture

Plant Powered : se donner les moyens par les plantes

Selon Lidia, la réponse se trouve dans le secteur de la vente au détail. « Nous partons d'un produit populaire, comme les tamales, et nous en proposons une version surgelée. »

La marque Plant Powered a rapidement gagné en popularité en République dominicaine, et même atteint le sommet du marché malgré le nombre croissant d'importations d'aliments végétaliens. Le principal avantage des produits l'entreprise : leur prix ! Grâce à des fournisseurs locaux, le produit se vend à un prix inférieur à celui des produits concurrents importés.

Le marché local est cependant limité, la République dominicaine étant encore un pays en développement.

« Pour la plupart des gens, ce n'est pas dans leur mentalité d'acheter ce type de produit tous les jours, ni dans leur budget. »

C'est pourquoi, en 2019, Plant Powered s'est orienté vers l'exportation.

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22 novembre 2023

Se lancer à l'international, c'est se servir une nouvelle ration de défis

La création d'une entreprise en République dominicaine est très facile. Lidia m'explique qu'il ne lui a fallu que sept jours pour être prête à ouvrir. Aucune certification n'était nécessaire, une aubaine vitale pour une petite start-up sans capital. L'exportation, en revanche, ce fut une autre histoire.

« Vouloir concurrencer directement les grandes marques sur les marchés internationaux, c'était se vouer à l'échec d'entrée de jeu. Il nous fallait un plan commercial original. »

Les deux associés fondateurs ont alors décidé de cibler les principales chaînes de supermarchés en leur proposant des produits adaptés au public local. Par exemple, pour les consommateurs du Royaume-Uni, Plant Powered allait leur proposer un hachis parmentier, bien sûr végétalien et savoureux.

Bien que les saveurs soient originales, les consommateurs pouvaient associer le produit dégusté à un plat familier et réconfortant, et ainsi se régaler de gnocchis sans gluten à base de plantain sucré ou de yuca, ou de crèmes glacées à base de lait de coco aux saveurs innovantes, telles que le goût Mojito.

La petite entreprise a mis six mois pour se préparer au marché international. Début 2020, tout était prêt. Plant Powered s'est lancée auprès de deux grands supermarchés du Mexique, un pays où les exigences en matière de certification sont plus faciles, doté d'un marché considérable de consommateurs.

Et puis la pandémie nous a stoppé net. Nous ne pouvions plus assumer les frais de transport.
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Entre le début et la fin 2020, la crise du transport maritime a eu pour conséquence de faire passer les coûts d'expédition de 250 dollars à 8 000 dollars.

En juin 2021, la situation ne s'était pas améliorée. C'est alors que Lidia s'est inscrite à un programme parrainé par le Centre du commerce international (ITC), qui lui a permis de participer à deux foires commerciales au Royaume-Uni.

L'entreprise a établi des contacts sur le marché européen et a conclu un contrat avec un distributeur aux États-Unis pour quatre chaînes de magasins de la côte Est. Powered Plant a également pu signer un contrat avec un distributeur au Costa Rica et attend actuellement l'approbation de deux des plus grandes chaînes de magasins nord-américaines.

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© Pedro Farias-Nardi/ITC/FairPicture

Avoir un impact là où ça compte : le triple effet

Pour Lidia, l'export n'est pas juste un moyen de développer sa marque et de joindre les deux bouts, c'est aussi un moyen d'avoir un impact positif dans son propre pays.

« Nous avons un impact direct sur le maillon le plus faible de la chaîne d'approvisionnement, les agriculteurs. La plupart des ingrédients sont locaux. Nous renforçons l'économie en achetant auprès de nos exploitants agricoles, et en apportant à notre pays de l'argent gagné dans les pays développés. »

Sur les dix personnes qui travaillent pour Lidia et son associé, sept sont des femmes. L'entreprise appuie spécifiquement les femmes et les jeunes en travaillant avec des universités pour des stages et avec l'institution INFOTEP qui propose des carrières techniques aux jeunes issus de familles à faibles revenus.

En plus de se concentrer sur les aspects économiques et communautaires, Plant Powered mesure son empreinte carbone. Pour le calcul, elle remplace chaque livre de protéine végétale vendue aux consommateurs par la protéine animale qu'ils auraient consommée. La différence montre la quantité d'eau, de carbone et d'utilisation des sols économisée – les trois principaux indicateurs que les entreprises mesurent dans leurs rapports sur le développement durable.

« Nos rapports sont rendus publics. Cela nous aide à rester responsables. Vous pouvez toujours spéculer, mais les chiffres vous indiqueront à chaque fois, et précisément, ce que vous avez vraiment réalisé. »

Le conseil de Lidia à ses collègues entrepreneurs ?

Vous devez tout savoir sur tout. En me formant, j'ai pu prendre des décisions mieux éclairées, et plus stratégiques.
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